Une go "choco" à Abidjan!

lundi 26 mars 2012

#3 J’ai reçu ma facture d’électricité

Mon problème de facture de CIE enfin réglé, je guette la sortie du bâtiment pour savoir si « les gros bras » de tout à l’heure sont toujours là. En passant la tête, je m’aperçois qu’un nouveau gnaga* occupe l’attention de tous. Une tantie affairée* raconte déjà l’histoire.


« Dépuuuuu matin, 7h30, les gens sont là. Les caissières sont arrivées entre 8h-8h30. Sur 5 guichets, yen a 2 seulement qui ont ouvert. Et pu*, elles disent on na qu’à se patienter* parce qu’elles n’ont pas encore manger leur pain. »

{Manger son pain = prendre son petit déjeuner. L’image du spaghetti et de la tomate coincés dans les dents de la Directrice commerciale m’est revenue.}

« Elles prennent tout leur temps. Pour calculer là même on parle pas. Calculatrice waaah, ordinateur waaah, système informatique waaah, tous les quoi-quoi-quoi pour calculer* vite-vite là, elle sait pas utiliser. Donc, elle s’est levée pour aller demander à sa camarade. Quand elle est revenue, elle dit on n’a qu’à se patienter encore parce que courant est coupé… Tchrououuuu*….!!! N’importe quoi ! Se foutent des gens !
Donc, elle dit que leur système informatique là est en panne.
C’est dans ça, ya un monsieur qui n’a pas supporté. Il a pété les câbles ! Voilà palabre ! »

{Péter les câbles = péter un câble - Je ne sais pas pourquoi les ivoiriens aiment déformer le français pour dire la même chose au final !}

« Les gens ont soulevé le palabre du monsieur là. Le surveillant était débordé. Il est sorti de la cour pour appeler de l’aide… »

Elle n’avait pas fini son récit que je compris pourquoi il y avait ce dozo* qui caressait fermement les mollets de certaines personnes avec une chicotte.
Dessin réalisé par A. Kelson 12 pour www.caric-actu.com

Il faut savoir que le surveillant de la CIE a à sa charge la bonne gestion des rangs. Il doit empêcher l’accès aux infiltrés et arrêter les cafouillages. Ca c’est la partie officielle.
Dans la partie officieuse, le surveillant de la CIE est le plus souvent illettré et ne connaît que la loi du bâton. Souvent impuissant devant une demande de renseignement, il est parfois la cause de malentendus et dégaine au quart de tour.
Sa gestion des rands est très simplifiée:
-       Un client trop nerveux, il en vient aux mains ;
-       Une personne qui se trompe de rang, il s’abat sur le malheureux ;
-       Une bousculade, il dégaine la ceinture ;
-       Un palabre qui éclate, il devient karatéka ;
-       Une vague de protestation, il ponctue la cacophonie d’insultes exotiques.
-       Un cafouillage, il sort la solution ultime : le tonton dozo*.

Abasourdie, je demandais naïvement, « Mais d’où ils sortent ces gens ? Qui c’est qui les recrutent ? »
-       Aie ?? Question faut pas poser, c’est ça y poser ? Rétorqua la tantie. « Quand tu vois leur pantalon-treillis là… »

Yeux voient, bouche parle pas. J’ai pris ma route en même temps.


Légende :
*Gnaga : dispute, palabre
* Une tantie affairée : une tantie très curieuse, qui cherche à tout savoir et qui est la première à tout répéter.
* Et pu : et puis (déformation).
* Se patienter : patienter, attendre (déformation).
*Tchrououuuu : onomatopée marquant la désapprobation.
* Soulever le palabre de quelqu’un : entrer dans la dispute.
* Tous les quoi-quoi-quoi pour calculer: tous les outils qui permettent de faire les calculs.
* Dozo : chasseurs traditionnels du Nord de la Côte d’Ivoire.

Episode  #1 et #2

Article paru sur www.caric-actu.com

jeudi 22 mars 2012

#2 J’ai reçu ma facture d’électricité

Je partais régler un malentendu sur ma facture d’électricité à la CIE, lorsque j’ai eu le malheur de dépasser le rang pour demander un renseignement. Déjà agacés par l’attente, des musclés voulaient me faire la peau. Je me suis mise en mode « cabris mort n’a plus peur de couteau »…


Les yeux fermés, les mains sur les oreilles, je me suis imaginée aplatie comme une crêpe. J’attendais le coup de massue, et puis… J’ai juste entendu le vigile fermer la porte derrière moi en criant « Oooh c’est bon, c’est bon ! Retournez dans le rang là bas ! »

-       « Ma fille, faut te tranquilliser. On est habitué à ça ooh ! », m’a lancé l’assistante.
Mon cœur s’était coupé pour rien.
En bonne ivoirienne, je voulais m’affairer en regardant par la fenêtre du bureau de la Directrice commerciale tandis qu’elle allait régler mon problème. Là, j’interceptais une drôle de conversation :
-       Mon frère, pardon, faut gérer ça pour moi !? Depuis matin 7h30 je suis là, mais les guichets n’ont ouverts qu’à 08h. Deux guichets sur quatre seulement. Regarde là là, il y a au moins deux cent personnes dans le rang. On fait comment ?
-       Tchè, mon ami ! Je gère pas tout ça là ! Tu dis tu veux que je gère ta facture non ? Faut bien parler !

« Faut bien parler » ça veut dire « parlons business ».
facture d’électricité CIE www.caric-actu.com
Dessin réalisé par A. Kelson 12 pour www.caric-actu.com

Hummm ! Affaire de CIE ! Payer sa facture d’électricité est tellement compliqué à effectuer que les gens sont rentrés dans « les systèmes ».

Ils sont de plusieurs types :
·      Les « intermédiaires », autrement dit des supposés agents de la CIE qui ont trouvé là un moyen d’arrondir leur fin de mois avec de petits « gombos ». Ils ont soi-disant le bras assez long pour toucher les responsables ou faire accélérer le processus du paiement à la caisse.
-       « Mon frère, pardon, faut faire tu vas régler mon problème, je vais quitter ici ! dit l’homme en glissant un billet dans la main de l’intermédiaire.
Palpant le billet, sans même le regarder, l’intermédiaire renchérit « Faut mettre crika* dessus. »
-       Hééé ! s’écria-t-il dans un soupir.
-       Mon frère, si tu veux que je fasse vite, faut donner ; la caissière là, je dois donner pour elle !
Il va faire comment ? Il est 15h, le soleil tape sur son crâne chauve , il y a encore une centaine de personnes devant lui, les bureaux ferment à 16h…
Ah, il a mit dessus !

·      Les « infiltrés ». Tout Petit est ce qu’on appelle un infiltré. Très tôt le matin, il pointe à ses bureaux : les trottoirs de l’agence de la CIE du coin. Il se fait passer pour un agent auprès d’incrédules. Tous les deux mois, Ismo lui confie le règlement de la facture de son papa. Sans demander de reçu, en totale confiance, Ismo donne quelques billets à Tout Petit pour se débarrasse de cette corvée.
Un matin, un agent de la CIE remet au papa de Ismo un reliquat de 200 000F CFA d’impayés. Ismo a gouté à la chicotte du vieux sur ses mollets. Tout Petit est rentré en brousse*.
Malgré de nombreuses histoires de ce type, « les infiltrés » continuent de sévir.

·      Les « créeurs d’émotions ». (C'est pas les créateurs hein, mais les créeurs!) Canne à la main, difficulté à se déplacer, mine qui fait pitié, le vieillard brille en tant que comédien dans le décor du site de la CIE. Sa condition le fait passer du dernier au premier rang en moins d’une minute. Ceux qui « voient clair » en ont fait un petit business aux retombées financières non négligeables. En deux temps, trois mouvements, il a réglé la dizaine de facture de sa cour commune. A chacun son djôci ooh!

·      Les FRCI
Le last du last*, ce sont les FRCI. Eux, ils ont tapis rouge. Matin oooh, après-midi oohhh, à peine arrivés, ils sont les premiers servis. Même le soir, on peut rouvrir le guichet pour eux !

Bon, tout ça là, c’est pas moi qui ait dit hein ! On m’a dit !

La suite ici.



Légende :
* Crika : un billet de 1000 francs CFA.
* Rentrer en brousse : disparaître, se volatiliser.
* Le last : le summum.



Article paru sur www.caric-actu.com

vendredi 9 mars 2012

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J'étais au maquis "Le Malabo" de Tantie Philo et j'en ai fais un article.
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