Mon problème de facture de CIE enfin réglé, je guette la sortie du bâtiment pour
savoir si « les gros bras » de tout à l’heure sont toujours là. En
passant la tête, je m’aperçois qu’un nouveau gnaga* occupe l’attention de tous. Une tantie affairée* raconte déjà l’histoire.
« Dépuuuuu matin, 7h30, les gens sont là. Les
caissières sont arrivées entre 8h-8h30. Sur 5 guichets, yen a 2 seulement qui ont
ouvert. Et pu*, elles disent on na qu’à se patienter* parce qu’elles n’ont pas
encore manger leur pain. »
{Manger son
pain = prendre son petit déjeuner. L’image du spaghetti et de la tomate
coincés dans les dents de la Directrice commerciale m’est revenue.}
« Elles prennent tout leur temps. Pour
calculer là même on parle pas. Calculatrice waaah, ordinateur waaah, système
informatique waaah, tous les quoi-quoi-quoi pour calculer* vite-vite là, elle
sait pas utiliser. Donc, elle s’est levée pour aller demander à sa camarade.
Quand elle est revenue, elle dit on n’a qu’à se patienter encore parce que
courant est coupé… Tchrououuuu*….!!! N’importe quoi ! Se foutent des
gens !
Donc, elle dit que leur système informatique
là est en panne.
C’est dans ça, ya un monsieur qui n’a pas
supporté. Il a pété les câbles ! Voilà palabre ! »
{Péter les câbles =
péter un câble - Je ne sais pas pourquoi les ivoiriens aiment déformer le
français pour dire la même chose au final !}
« Les gens ont soulevé le palabre du monsieur
là. Le surveillant était débordé. Il est sorti de la cour pour appeler de
l’aide… »
Elle
n’avait pas fini son récit que je compris pourquoi il y avait ce dozo* qui caressait fermement les
mollets de certaines personnes avec une chicotte.
Dessin réalisé par A. Kelson 12 pour www.caric-actu.com |
Il
faut savoir que le surveillant de la CIE a à sa charge la bonne gestion des
rangs. Il doit empêcher l’accès aux infiltrés et arrêter les cafouillages. Ca
c’est la partie officielle.
Dans
la partie officieuse, le surveillant de la CIE est le plus souvent illettré et
ne connaît que la loi du bâton. Souvent impuissant devant une demande de
renseignement, il est parfois la cause de malentendus et dégaine au quart de
tour.
Sa
gestion des rands est très simplifiée:
-
Un client trop nerveux, il en vient aux
mains ;
-
Une personne qui se trompe de rang, il s’abat
sur le malheureux ;
-
Une bousculade, il dégaine la ceinture ;
-
Un palabre qui éclate, il devient
karatéka ;
-
Une vague de protestation, il ponctue la
cacophonie d’insultes exotiques.
-
Un cafouillage, il sort la solution
ultime : le tonton dozo*.
Abasourdie,
je demandais naïvement, « Mais d’où ils sortent ces gens ? Qui c’est
qui les recrutent ? »
-
Aie ?? Question faut pas poser, c’est ça y
poser ? Rétorqua la tantie. « Quand tu vois leur pantalon-treillis
là… »
Yeux
voient, bouche parle pas. J’ai pris ma route en même temps.
Légende :
*Gnaga :
dispute, palabre
* Une tantie
affairée : une tantie très curieuse, qui cherche à tout savoir et qui est
la première à tout répéter.
* Et
pu : et puis (déformation).
* Se
patienter : patienter, attendre (déformation).
*Tchrououuuu :
onomatopée marquant la désapprobation.
* Soulever le
palabre de quelqu’un : entrer dans la dispute.
* Tous les
quoi-quoi-quoi pour calculer: tous les outils qui permettent de faire les
calculs.
* Dozo :
chasseurs traditionnels du Nord de la Côte d’Ivoire.
2 commentaires:
! tout ce qui m'a fait rire :
- le pain!!! héééé....! sans commentaire.
- l'incompétence du personnel,la machine est en panne (trop vu)
- l'intervention du dozo,
- et ton chokob dans la question à la fin (là j'ai les larmes)
- Yeux voient bouche parle pas (je vois la scène)
LOOL!
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