Ma Choupinette et moi avions été victimes d'un accident causé par un chauffeur de camion malhonnête. Complètement novice en matière d'accident (oui, j'ai compris que ce sujet pouvait faire l'objet d'une formation en ce qui concerne le contexte ivoirien), j'ai essayé tant bien que mal de me sortir de ce pétrin. Mais vraiment... Ce n'est pas facile!
Le carrefour grouillait de monde. Gbakas*, Wôrô-wôrô* et tout type de véhicules s’engouffraient dans le goulot d’étranglement qui servait de carrefour. J’ai manqué de me faire écraser à plusieurs reprises. (Les gens sont fous !)
Me sentant un peu isolée, je
décide d’appeler un ami pour me sortir de cette zizanie. « T » arrive
enfin ! (Prononcez « ti ». De temps en temps je l’appelle
« Thé à la menthe », c’est son nom
de caresse*, comme on dit chez nous. Pourquoi « Thé à la
menthe ? » Parce qu’il digère bien tout type de situations
compliquées ! Il était donc la personne appropriée pour ce genre de
situations.)
Le chauffeur du camion a été aussi
rejoint par un de ses acolytes qui était moins vindicatif que lui, mais tout
aussi… (comment dire ?) … Local.
L’acolyte: Ma chérie, tu ne vas pas appeler agents de constat à
cause de petit phare qui est cassé là ? Ca là non keh hein*, si ça a trop coûté là c’est 15 000F CFA, c’est
tout ! On peut gérer ça entre nous non ?
Moi: Quand tu me regardes là, je ressemble à ta chérie ?
(Je me jouais les binguistes). De un, ton ami n’a pas l’air de vouloir gérer ça
à l’amiable. De deux, ce n’est même pas moi qui ai appelé l’agent constatateur,
c’est le policier. Si le chauffeur ne l’avait pas énervé, on serait en train de
discuter pour trouver un compromis.
Le chauffeur: Laissons la. Parlons plutôt à son ami. Femme, c’est
pas l’homme!
Moi: … (soupir de désintérêt total). Je ne me fatigue même
plus à répondre aux misogynes. A la fin de l’histoire, c’est moi qui décide,
donc…
« T » lui a parlé et fini
par dire « Bon, je vais m’entretenir avec elle ». Il se retourne et
me dit sans grande conviction (me connaissant) que les gars me proposent 10000F
CFA pour réparer les hanches cassées de ma Choupinette, sa portière bloquée, sa
carrosserie froissée et son phare cassé.
« Choupi, tu es tombé* hein ! On dit tu vaux
10000! Les gens ne respectent pas les gens! »
Alors d’une voix sereine, j’ai
sorti un « NON » bien ferme. (J’ai kiffé !) Ils n’ont même pas eu
le temps de s’en remettre que deux agents de constat apparaissaient sur la
scène du crime. Trop tard. Plus de négociations possible.
Ultime tentative: corrompre les agents
avec leur billet de 10000F. Au moment où la transaction allait se faire, le
premier policier qui était en boule*
là, a fait irruption : « Il est en tord hein! Il a refusé de me
donner ses papiers, il n’a pas le droit de rouler à cette heure-ci sur cet axe,
il va récupérer son camion à la fourrière, c’est moi qui ai parlé !»,
toujours en tapant sur sa poitrine. Affaire était gâté en même temps.
Moi, intérieurement : PIAN*!
Le policier n’a pas digéré l’affront
que lui a fait subir le chauffeur du camion une heure plus tôt. A chaque fois
que le chauffeur veut ouvrir la bouche pour se défendre, le policier, à côté, répète
« Il a refusé de donner ses papiers, devant Madame » en pointant le
doigt sur moi. Hummm, mon frère, ça t’a fait mal ooh !
Pendant ce temps, l’un des agents,
qui avait déjà saisi le billet, a laissé sa main continuer sa trajectoire sans
interruption pour le fourrer dans sa poche. Ni vu ni connu, mais nous tous on a
vu. Abidjan, quoi *!
Le chauffeur du camion a commencé
à sciencer*. Ca ne sentait plus bon pour lui.
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Le choc |
Nous voilà au beau milieu du
carrefour, en train d’expliquer le scénario de l’accident. Entre mensonges et
corruption, l’histoire devenait abracadabrante. Franchement, Hollywood
devrait venir chercher ses scénaristes ici! Le chauffeur voulait avoir raison, forcé* ! Et les agents ne donnaient
pas l’impression de vouloir m’écouter. Je suis restée sereine car de toutes
évidences, vu la position de nos véhicules, son histoire ne tenait pas debout. Au
bout d’un moment les agents entreprennent de relever les mesures pour réaliser
leur croquis. Voyant cela, mon tonton-policier-en-boule*
qui s’était rapproché, jeta un coup d’œil au dessin et reprit sa rengaine « Il
ment ! Il est venu cogner la pauvre dame, il n’a pas voulu donner ses
papiers, il voulait fuir, il sait qu’il est en tord ». L’agent de constat
exaspéré, déchire sa feuille « BON, BON, BON, on reprend tout !!! Qui
venait d’où ?? » Et là, on a commencé à m’écouter. Tonton-en-boule*, merci !
On a fini par déplacer nos
véhicules pour se rendre au commissariat pour la déposition. Je vous dis, ma
Choupinette a été très courageuse de faire le trajet, malgré ses blessures.
Une fois au commissariat, le
policier commence à me faire les yeux doux. « Vraiment, comme vous êtes
notre Maman là, je vais vous redonner vos papiers, parce qu’il n’est pas bon
que vous ne puissiez pas vous déplacer avec votre véhicule. Ca va vous
immobiliser pendant quelques jours, vraiment c’est pas bien… Une femme choco* ne peut pas prendre taxi sous ce
soleil là…» Blablabla. Tout ça pour que je lui glisse un billet. Moi aussi,
dans mon maloya*, je lui dis « Ah vraiment, c’est gentil à vous,
vous comprenez les réelles préoccupations des gens, on se sent en sécurité avec
vous les policiers… (Bref, je l’ai bien tartiné aussi). Ecoutez, je veux vous
faire plaisir, mais « ça yè » dans la voiture (on ne prononce pas son
nom oooh) donc permettez que j’aille chercher « ça » et puis je
reviens. « Oh, non, non, il n’y a pas de problème » me répondit-il.
Arrivée dans le parking, j’ai dit
à « Thé à la menthe »: Monte on va partir, tchè* ! On a mis dedans* !
Dans l’euphorie, j’oubliais que
c’est ce même agent qui établirait le constat. Sans constat, pas de
remboursement par l’assurance. Or, j’ai fuit sans lui donner son billet... Eh
Yoyo, tu aimes créer affaire sur toi*
deh* ! Me voilà dans un autre problème.
Affaire à suivre… (suivez deh!)
Légende:
* Gbakas: mini car de transport
en commun
* Wôrô-wôrô : taxi communaux
* Nom de caresse : son
petit nom
* Ca là non keh hein :
expression qui sert à mettre l’emphase sur ce dont on est en train de parler.
* Tu es tombé: tu n’as plus de
valeur
* Etre en boule: être fâché
* Pian!: bien fait!
* Abidjan, quoi!: Ca c’est
Abidjan!
* Sciencer: réfléchir, remettre
en question
* Forcé: à tout prix
* Choco: une personne bien
mise
* Maloya: malhonnêteté
* On a mis dedans: on a prit la fuite
* Créer affaire sur soi: se créer des problèmes
* Deh et tchè sont des
onomatopées pour lesquelles je cherche encore la définition précise.
5 commentaires:
Mdrrrr ahi Yoyo donc touuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuut ce que tu as fait là, attendu pendant des heures là c'est cadeau ? Je ris ohh je ris. Ca là je suis sûre que choupinette a du mal te lorgner
Heee Nanda, hummm! Ils voulaient me fatiguer. Choupinette était découragée. Mais chauffeur oooh, policiers ooh, agents oooh, quoi-quoi-quoi ooh, ils ne vont pas s'en tirer aussi facilement. J'ai plus d'un tour dans mon sac! ;-)
LOOOOOOOOOOOOL j'ai hhate de lire la suite
J'ai envie de dire qu'il y a eu plus de peur que de mal.Ton humour te sort de bien des situations difficiles,Yoyo La Jolie.Soulagée que cela se termine bien pour toi et ta choupinette.Courage les gos.
Bonjour Rita! Merci beaucoup! Oui, plus de peur que de mal, des émotions, du suspens, mais tout va bien. ;-)
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