Ca fait maintenant un an que ma Choupinette
et moi vivons ensemble. Nous avons développé des liens très forts. Si vous vous
souvenez, elle a remplacé notre célèbre et unique Choupette, de laquelle on a
dû se séparer par la force des choses.
Nous avons eu nos
moments de galère. J’ai souffert pour reprendre la main sur sa boite manuelle.
Au lendemain de la guerre, des hommes armés l’avaient kidnappée. J’ai remué
ciel et terre pour la retrouver, on a fait de nombreux *gazoils ensemble,
cheveux au vent… Bref, nos liens se sont fortement resserrés à travers tous ces
hauts et ces bas.
Et voilà qu’il y a quelques jours,
j'ai fait un accident avec Choupinette.
Il était 19h, je me rendais à une super soirée. En tant que « choco » digne de ce nom, je m’étais *sapée, *mlin-mlin, en tout cas j’étais *kpata. La circulation était intense. Samedi soir, il y avait du monde sur la route. Pour m’isoler du brouhaha et du *mélangement causé par les *gbakas, taxis, *woros, j’ai mis en marche mon *fréon, et j’écoutais du Boys II Men « The end of the road ». Ca avait d’ailleurs quelque chose de prémonitoire on dirait.
Je suis donc à un carrefour qui n’a pas de feu de signalisation. Bon là encore, c’est une particularité abidjanaise: les carrefours les plus fréquentés n’ont pas de feux tricolores. C’est-à-dire que tu te débrouilles pour avancer, tu crées ta route quoi.
Arrive le moment où, enfin, la
ligne sur laquelle je me trouve arrive à percer une ouverture pour s’engager.
Je suis le flot de voitures et m’apprête à emprunter le carrefour lorsque que
je vois dans mon rétroviseur un gros transporteur de sable qui se déporte de sa
ligne derrière moi et s’engage comme s’il n’y avait personne devant lui. Il
fonce dans le tas. Malheureusement pour moi, le tas c’était moi. Il m’a embouti
le derrière. (Ok, cette expression n’est pas vraiment glamour, je vous le
concède, mais il faut que vous ayez l’image en tête. Je parle de l’image du
derrière de ma voiture hein ! Faut pas votre esprit va aller quelque part d'autre. Abstenez-vous !)
Accident. On s'est arrêté là. « The end of the road ».
Nous voilà, au beau milieu du
carrefour bondé, immobilisés, un camion encastré sur le côté gauche de ma chère
Choupinette. La blessure est grande: membre arrière invalide, coccyx fracturé, multiples blessures. Comme on dit au pays « C’est Ma prémière fois de faire un accident ». Je sors de mon véhicule, le chauffeur du
camion me regarde.
- Qu’est-ce
qu’on fait? Je lui demande.
- Ah !
Moi je sais pas hein!
- Ah !
Tu sais pas? On fait un constat alors?
- Faut
appeler agent de constat là! Me lance-t-il, agressif.
Me voilà maintenant: comment on fait pour appeler les agents de constat? C’est écrit sur les papiers de la voiture? Sur l’assurance ? Quel commissariat est concerné ? Je suis où même ??? (Gaou)
Toc, toc, toc. Il frappe à ma
fenêtre.
- On ne va pas y passer la nuit hein!
- On ne va pas y passer la nuit hein!
- Mais
regardez moi celui-là? Toi même tu fais quoi? Tu n’as pas raison et
puis tu veux m’impressionner?
- Bon,
faut rester ici, moi je m’en vais manger.
- Tu
dis quoi ? Tu vas quoi ?
- Je
dis, je n’ai pas mangé depuis matin. Je vous laisse là, avec le camion, moi je
m’en vais manger.
- Tu
fuis quoi !?
- Moi ?
Je fuis pas hein ! Tous mes papiers sont en règle.
- Ok,
donc laisse tes papiers ici et puis va manger alors.
Il rigole,
genre je le prends pour un imbécile. Moi, ça m’énerve, car c'est lui qui me prend pour une
imbécile.
Et là, j'ai une idée!!
Et là, j'ai une idée!!
- Bon
avant de partir manger, viens on va prendre *selfie ensemble. (Ben
oui! S’il fuit, que j’ai sa photo, ça servira pour le rechercher.
Si je le prends en photo seul comme ça, il risque de s’énerver, de casser mon téléphone ou de me faire du mal, donc on va le blaguer un peu.)
- Sel-quoi ?
- Selfie… Là, ma voix devient petite.
- *Réade,
faut pas tu vas m’insulter! C’est accident, c’est pas rentré dans manque
de respect. Si c’est injure, toi-même!
- Aiiiyye !
C’est pas insulte. Tu connais pas selfie? (Moi aussi, j'insiste.)
- C’est pas insulte, c'est quoi?
J’ai eu un moment de retenue. Quand
j’ai regardé la tête du gars, je me suis dit, ma chère Yoyo, *faut damer. C’est pas tout on
fait! (Les réseaux sociaux nous ont gâté!)
Le gars a commencé à condamner les portières de son camion. Il prit ses affaires et s'apprêtait à s’en aller.
- Donc
tu fuis vraiment hein ! (Je faisais tout pour le retenir).
- Je dis, je fuis pas! Ah!
Au moment où il se retourne, il tombe nez à nez avec un policier, attiré par l’énorme embouteillage que nous avions créé avec cet accident.
Au moment où il se retourne, il tombe nez à nez avec un policier, attiré par l’énorme embouteillage que nous avions créé avec cet accident.
Eh
Dieu Busca! me suis-je exclamée. (C’est une expression de mon frère. Je
ne sais pas du tout ce qu’elle signifie, mais en tout cas, c’est une
exclamation qu’on emploi lors d’un soulagement, comme pour dire "Dieu merci! La Chance!" Ca vous montre un peu l’esprit de la famille, on invente beaucoup de mots et
d’expressions, parfois on en détourne le sens, mais ce qui est sûr, on se
comprend).
Le flic: Qu’est-ce qu’il se passe
ici?
Moi: Monsieur l’agent, on a fait
un accident.
Le flic au chauffeur de camion:
Les pièces du véhicule s’il-vous-plaît Monsieur.
Moi, intérieurement: (Humm,
les policiers sont devenus polis ooh!)
Le chauffeur du camion: Tu vas
prendre mes pièces pourquoi ?
Le flic et moi: ( ???)
Moi, intérieurement: (Le gars là
dêh! Il est téméraire ooh)
Le chauffeur: Elle dit, elle va
appeler agent de constat non? Quand il va arriver, c’est à lui que je vais
remettre les pièces de mon véhicule.
Le flic: Tu dis quoi ? Moi, je te demande tes papiers et tu refuses?!
Le chauffeur, serein:
je dis, je donne pas à toi. C’est à agent constatateur que je vais donner.
Le flic, perdant son sang froid:
JE DIS, MONSIEUR, LES PIECES DU VEHICULE ! On aurait dit qu’il voulait avaler
le visage du chauffeur de camion.
Le chauffeur du camion reste toujours
serein.
Moi, intérieurement: (Il *boit la drogue, ou bien ? Non
seulement il est *court (pour ne pas
dire petit), il n’a pas raison, il voulait fuir, on l’a attrapé et puis il
tient tête! Ses yeux ne voient plus clair ou quoi? Il a certainement quelques
boulons qui se sont desserrés dans son cerveau après le choc.)
Moi, dans mon *kpakpatoya avec un petit accent *chocobi: Vous refusez d’obtempérer devant un agent de police? Eh ben dis
donc! Monsieur l’agent, vous savez qu’il voulait prendre la fuite? Et puis vous l’avez
intercepté. Lui dis-je avec une douce et gentille voix. (Qui est fou?)
Le flic: Ah bon ? Tu voulais
fuir ? Et tu ne donnes pas tes pièces ? Attends !
L'agent de police, prend son téléphone portable,
lance un appel, et demande à l'autre bout du fil que des agents constatateurs viennent sur
place. Le policier *a chargé mon palabre en même temps.
Quelques minutes plus tard, quatre policiers débarquent pour réguler la circulation ainsi que les agents constatateurs.
Le flic: Collègues, voilà
ce monsieur qui a cogné la dame et il refuse de donner les pièces de son véhicule.
Le chauffeur du camion, encerclé
par les policiers, se sentant moins téméraire tout d’un coup: Est-ce que j’ai
dit que je ne voulais pas te donner les pièces de mon véhicule? Moi, je
croyais que tu parlais de ma pièce d’identité, c’est ça je n’ai pas compris. Il
fallait bien demander!
Le flic et moi: ( ???)
Le flic, perdant son sang froid
de plus belle: Il a refusé de donner ses papiers, regardez dans mes mains, ce
sont les papiers de la dame. Madame, est-ce que ce n’est pas devant vous qu’il
a dit que…
Il n’a même pas fini sa phrase,
moi, dans mon grand kpakpatoya: Oui Monsieur l’agent, je confirme, j’étais
témoin, il a dit qu’il ne vous donnait pas ses pièces. (Walay! Si un
jour le gars là me revoit dans la circulation, il va me frapper,
vrai-vrai !)
Le chauffeur du camion:
Aie ? Voici mes pièces, je peux te donner sans problème.
Moi, intérieurement : (*Pa-pa-pa-pa-pa-pa !!!! Les gens sont forts dans Abidjan là!)
Le policiers *sont tombés sur lui
et le flic énervé lui dit : Toi là, écoute moi très bien!! Je ne vais pas répéter deux fois! Je vais te donner une contravention car
tu n’as pas le droit de circuler avec ton gros camion à cette heure-ci. Ca
c’est d’un! De deux, je vais mettre ton camion en fourrière et tu vas payer les
frais de fourrière. De trois, je te donne un papillon pour refus d’obtempérer
devant un agent de police. Tout ça là, c’est pour commencer et ça n’a rien à
voir avec l’accident hein! Pour l’accident là, comme tu as cogné par derrière,
tu es déjà en tord, donc tu vas recevoir ta facture. Je dis, (en tapant
fortement sa poitrine, comme pour se lancer un défi), si je ne t’ai pas donné
ces contraventions là...! Faut plus tu vas m’appeler policier !
Moi, intérieurement:
Affaire!
En effet… Affaire à
suivre…
Légende:
*gazoils: sorties
*sapée:bien habillée
*mlin-mlin: bien mise
*kpata: jolie
* mélangement: (ici) congestion du trafic
*gbakas: mini car de transport en commun
*woros: taxi communaux
*fréon: la climatisation
*selfie: une photo qu'on se prend soi-même à l'aide de son téléphone portable.
*Réade: regarde (du verbe regarder)
*faut damer: laisse tomber
*boit la drogue: expression ivoirienne pour dire qu'il se drogue.
*court: les ivoiriens aiment bien qualifier les personnes de petite taille en disant qu'elles sont courtes, non sans moquerie.
*court: les ivoiriens aiment bien qualifier les personnes de petite taille en disant qu'elles sont courtes, non sans moquerie.
*kpakpatoya: commérages
*accent chocobi: accent français, avec une emphase sur la console "R"; un accent de Blanc quoi!
*charger le palabre de quelqu'un: prendre faits et causes pour quelqu'un, défendre la personne, s'occuper personnellement d'une affaire qui ne nous concerne pas au départ.
*Pa-pa-pa-pa-pa-pa: onomatopée qui exprime la surprise déconcertante.
*accent chocobi: accent français, avec une emphase sur la console "R"; un accent de Blanc quoi!
*charger le palabre de quelqu'un: prendre faits et causes pour quelqu'un, défendre la personne, s'occuper personnellement d'une affaire qui ne nous concerne pas au départ.
*Pa-pa-pa-pa-pa-pa: onomatopée qui exprime la surprise déconcertante.
* Les policiers sont tombés sur lui: les policier l'ont assaillis, l'ont pris en grippe.
8 commentaires:
Yoyo, je suis morte de rire alors qu'au debut je m'inquietais. J'adore ton sens de l'humour.
Merci!!! J'espère que tu as passé un bon moment à me lire! A bientôt pour la suite de mes aventures! ;-)
Yoyo tu avais raison hein, mais ta bouche va te mettre dans probleme oh!
Ah Ah! Ca me donne plaisir de trouver ton blog! Etat au states, ca me donne envie de mon pays adore! Je te bookmark!
eh Dieu, Yoyo, je suis versée, il n'a pas dis il a coeur, il est tombé sur policier, qui pour une fois à bien agir. Yako ma pauvre j'espère que ca c'est bien terminé pour Choupinette.
Hein Hein, ca tombe bien, je dis oh, pour adhérer à l'association des bloggeurs c'est comment? J'ai envoyé un mail à la vieille mère Edith Brou et Yenhi Djidji et je n'ai pas encore eu de retour, peux-tu m'aider dans ce sens? Merci d'avance, je te mets le lien de mon blog
http://leschroniquesdesapitou.blogspot.com/
Merciiii pour ton bookmark! Ca me fait plaisir de t'apporter un peu de soleil du pays à travers mes histoires! A bientôt! ;-)
Mireille Silué, moi même je sais...! lol
Hello Altiné! Merci pour ton message.
Envoie moi ton adresse e-mail sur yoyolajolie@gmail.com, je te mettrai en contact avec le Bureau de l'ABCI pour y adhérer.
Hâte de te compter bientôt parmi nous.
;-)
Enregistrer un commentaire